J'avais écrit un article sur le "Réformisme de droite" il y a quelques jours, partageant un certain désarroi à l'encontre d'une droite en France comme en Turquie, qui n'arrivait pas à établir un équilibre (la "fameuse" porte étroite) entre tradition et modernité.
Un des gros problèmes de la droite en France comme en Turquie, a été sa division idéologique.
On connaît bien le propos de René Rémond et sa distinction entre "droite orléaniste", "droite bonapartiste" et "droite légitimiste". L'UMP (dont je ne suis pas membre) avait tenté de remédier à ce problème en faisant cohabiter conservateurs, "droite sociale", libéraux, démocrates-chrétiens. Avec un succès mitigé comme on le voit. Le débat est resté assez limité. Alors même qu'il aurait pu aboutir à un synthèse idéologique des droites.
L'AKP en est un peu au même point. Si ces cadres sont islamistes (ex-membres du Refah Partisi de Erbakan), elle reprend le projet nourri par Turgut Özal et que ce dernier avait explicité dans son ouvrage publié en 1988, "La Turquie en Europe" :
"Le parti qui a remporté les élections de 1983 est celui de la Mère Patrie [ANAP]. Il n'appartient ni à l'un ni à l'autre des principaux courants politiques existant depuis la fin de l'Empire Ottoman."
Il ajoutait :
"Il a admis dans ses rangs, les adhérents des anciens courants afin de former avec leur participation, une nouvelle synthèse."
On remarque ici, le mot souvent utilisé à la fois dans les rangs de la droite française mais aussi dans ceux de la droite "özalienne" : la "synthèse".
L'idée n'avait idéologiquement aucune originalité : dans le cas de l'UMP comme de l'ANAP, il s'agissait de créer une grande force libérale-conservatrice.
La nouveauté était organique. Longtemps la droite turque comme la droite française avaient été condamnées à la division. Seules les circonstances et notamment la préeminence d'un chef incontesté avaient permis l'union (De Gaulle en France, Menderes en Turquie).
L'AKP était dans l'esprit, une reprise de l'esprit özalien : créer un parti conservateur socialement parlant et économiquement, plutôt lsocial libéral et libéral sur le plan politique. Un pont entre le libéralisme de l'ANAP, le conservatisme séculier du DYP et celui, un peu plus traditionnaliste de l'aile "réformiste" du Refah.
L'UMP participait de cette synthèse. La jonction du conservatisme gaulliste, du libéralisme et de la démocratie chrétienne offrait à ce parti une boîte à idées afin de créer une authentique "idéologie des droites".
On eût pu penser à ce moment qu'une telle option (la constitution d'un grand parti de centre-droit) aurait contribué à l'appaisement politique par l'émergence justement d'un pôle.
Or, il est particulièrement intéressant de remarquer que ces deux formations, porteuses d'espoirs, ont été presque "prises en otage" par des courants qui l'ont fait en quelque sorte, dévier de son objectif de synthèse.
Alors même que l'AKP s'était présenté comme un parti du "centre", comprendre un parti de centre-droit classique "à l'européenne", jamais un début de législature n'a été marqué par des mesures aussi idéologiques, et aussi conservatrices. Bref, des mesures qui ont été de nature à accentuer les clivages et à définitivement ancrer l'AKP "bien à droite".
Pour ce qui est de l'UMP, la situation a été un peu la même. Sarkozy a éliminé ce qui restait de l'idée de synthèse en plaçant ses hommes et en imposant un agenda politique qui, sur le plan intellectuel et sociétal, n'a plus grand chose à voir avec les positions de la droite classique.
Justement, le fruit de ces erreurs est que le socle vacille.
Dans les deux cas, le parti s'est transformé en clan.
Si, sur le plan économique, il a respecté son programme de libéralisation et a effectué des réformes plutôt sérieuses et solides, sur le plan sociétal, il a cherché à bouleverser les équilibres alors même que ce n'était pas nécessaire (soit en allant, trop à droite pour l'AKP soit trop à gauche, pour l'UMP).
Ce rêve de créer un parti de toute la droite a été un échec relatif car il a été "réalisé" sans travail idéologique. On s'est couché sur les différentes tendances. Pas de débat. Pas de ligne idéologique claire. On navigue à vue. Ou alors on a clanisé le parti.
Erdogan et Sarkozy avaient les moyens de faire germer ce parti de la droite, ils se sont contentés d'en faire un parti de droite. Parmi d'autres. Dommage.
jeudi 22 mai 2008
mardi 13 mai 2008
Un réformisme de droite ?
La plupart se souviennent peut-être de la phrase (célèbre) du Prince de Salina dans le roman "Le Guépard" de Giuseppe Tomasi : « Il faut que tout change pour que tout reste comme avant ».
En Turquie comme en France, la situation est, en fin de compte, similaire.
Une droite réformatrice contre une gauche conservatrice. Du moins, est-ce l'impression que nous donne l'affrontement UMP-PS et AKP-CHP.
Dans les deux cas de figures, c'est la "droite" qui décide de donner une impulsion en faveur de réformes visant à adapter le pays à la mondialisation et à la nouvelle donne économique que cette dernière entraîne.
Dans les deux cas de figures, c'est la "gauche" qui reste désespérément amorphe et sans idées.
Ce qui étonne, c'est aussi la proximité des stratégies politico-électorales.
L'UMP et l'AKP se proclament "partis de la réforme" bien plus que "partis de droite", même si on y trouve des références intellectuelles à une politique conservatrice.
Le PS et le CHP se présentent comme "partis de gauche" plus que "partis de la réforme".
Ce changement sémantique est dû à deux éléments :
_ tout d'abord, la notion de "droite" est relativement connotée en France et en Turquie. Elle renvoie (à tort ou à raison) à un conservatisme étroit, voire à une politique réactionnaire.
_ le "réformisme" permet de rallier ceux qui désirent s'inscrire dans une "politique de mouvement" et en finir avec l'immobilisme et le gâchis qui ont caractérisé la Turquie et la France de ces 20 dernières années.
Rive gauche, au contraire, on s'appuie sur la "pûreté idéologique" d'une gauche socialiste (PS) ou (néo)-kémaliste (CHP). Il s'agit de "protéger". A tout prix. Soit les acquis sociaux dont il paraît de plus en plus évident qu'ils ne seront pas viables financièrement à moyen-terme. Soit les acquis idéologiques issus d'un certain romantisme révolutionnaire idéalisé qui servent uniquement de "terrains de jeu" pour se mesurer à la droite et afficher ses différences.
Les droites turques et françaises ont un avantage : un chef, qui apparaît sans doute comme capricieux ou autoritaire, mais qui donne l'impression de tenir de façon responsable le gouvernail de l'état.
Les gauches, elles, offrent un spectacle clanique : lutte de clans, côteries, des leaders représentant une tribu bien plus qu'un parti aspirant à gouverner.
L'échec de la gauche et la victoire de la droite en Turquie comme en France, m'apparaissent ainsi moins dus à une "droitisation" de l'électorat (même si celle-ci existe) qu'à l'impression que les partis de droite, au contraire de ce qui se passait au XIXème siècle, incarnent un "changement ordonné". La personnalisation des fonctions gouvernementales, le sentiment (bien plus que la conviction en fin de compte) que les choses doivent changer, évoluer, ont fait le reste.
Aux yeux de l'électorat, Erdogan (AKP) et Sarkozy (UMP) ont représenté ces espoirs. Ce désir de concilier "changement" et "ordre". Un changement économique. Un ordre "moral" et politique.
Si le changement économique est nécessaire et est sur la bonne voie, la traduction de cette volonté d'ordre apparaît comme confuse, parce qu'elle essaie de mélanger les dérives libertaires (Sarkozy et son goût pour la jouissance et l'argent) ou réactionnaires (Erdogan et ses tentatives pour remettre en question la laïcité) et le désir (au fond légitime) qu'ont les citoyens de revenir à une forme de "tradition" et de "bon ordre".
Cette gestion n'est pas avisée. Parce que justement, elle remet en cause l'aspect qu'ont voulu donner ces deux partis : ceux de partis du "juste milieu", de partis avec un fond idéologique mais toutefois pragmatiques.
Cette crise du réformisme de droite alors même que la droite incarne la seule perspective de réforme, est dramatique parce qu'aucune alternative sérieuse n'est possible. Un échec remettrait en cause, de surcroît, la confiance en la droite pour régler les problèmes du pays.
L'AKP (que je n'aime pas et pour qui je n'ai jamais voté) et l'UMP représentent une sorte de dernière chance pour faire évoluer de façon claire et calme, les systèmes économiques, politiques et sociaux turcs et français. L'impression qu'ils donnent ces derniers temps, est celle d'une confusion entre compromis et compromission, entre fermeté et arrogance.
Le sens du réformisme est justement que l'Etat ne devienne pas le jouet de pulsions tant idéologiques que personnelles.
Le sens de la réforme est de mettre au service de la Nation, des recettes qui marchent.
Le réformisme de droite doit être cette nécessaire conciliation entre l'intérêt général (la Nation) et l'intérêt individuel (les Droits de l'Homme), cette synthèse (et non cette bouillie) entre idéologie et pragmatisme.
Autant dire que si rien n'est perdu, rien n'est gagné mais il reste aux partis de droite à assumer le masque réformiste qu'ils ont enfilé.
J'avais commencé cet article par une référence littéraire. Je le termine en faisant de même : le réformisme de droite quel qu'il soit, est une "porte étroite" pour citer André Gide.
Tout comme la sainteté (le thème du roman de Gide) ? A voir ...
En Turquie comme en France, la situation est, en fin de compte, similaire.
Une droite réformatrice contre une gauche conservatrice. Du moins, est-ce l'impression que nous donne l'affrontement UMP-PS et AKP-CHP.
Dans les deux cas de figures, c'est la "droite" qui décide de donner une impulsion en faveur de réformes visant à adapter le pays à la mondialisation et à la nouvelle donne économique que cette dernière entraîne.
Dans les deux cas de figures, c'est la "gauche" qui reste désespérément amorphe et sans idées.
Ce qui étonne, c'est aussi la proximité des stratégies politico-électorales.
L'UMP et l'AKP se proclament "partis de la réforme" bien plus que "partis de droite", même si on y trouve des références intellectuelles à une politique conservatrice.
Le PS et le CHP se présentent comme "partis de gauche" plus que "partis de la réforme".
Ce changement sémantique est dû à deux éléments :
_ tout d'abord, la notion de "droite" est relativement connotée en France et en Turquie. Elle renvoie (à tort ou à raison) à un conservatisme étroit, voire à une politique réactionnaire.
_ le "réformisme" permet de rallier ceux qui désirent s'inscrire dans une "politique de mouvement" et en finir avec l'immobilisme et le gâchis qui ont caractérisé la Turquie et la France de ces 20 dernières années.
Rive gauche, au contraire, on s'appuie sur la "pûreté idéologique" d'une gauche socialiste (PS) ou (néo)-kémaliste (CHP). Il s'agit de "protéger". A tout prix. Soit les acquis sociaux dont il paraît de plus en plus évident qu'ils ne seront pas viables financièrement à moyen-terme. Soit les acquis idéologiques issus d'un certain romantisme révolutionnaire idéalisé qui servent uniquement de "terrains de jeu" pour se mesurer à la droite et afficher ses différences.
Les droites turques et françaises ont un avantage : un chef, qui apparaît sans doute comme capricieux ou autoritaire, mais qui donne l'impression de tenir de façon responsable le gouvernail de l'état.
Les gauches, elles, offrent un spectacle clanique : lutte de clans, côteries, des leaders représentant une tribu bien plus qu'un parti aspirant à gouverner.
L'échec de la gauche et la victoire de la droite en Turquie comme en France, m'apparaissent ainsi moins dus à une "droitisation" de l'électorat (même si celle-ci existe) qu'à l'impression que les partis de droite, au contraire de ce qui se passait au XIXème siècle, incarnent un "changement ordonné". La personnalisation des fonctions gouvernementales, le sentiment (bien plus que la conviction en fin de compte) que les choses doivent changer, évoluer, ont fait le reste.
Aux yeux de l'électorat, Erdogan (AKP) et Sarkozy (UMP) ont représenté ces espoirs. Ce désir de concilier "changement" et "ordre". Un changement économique. Un ordre "moral" et politique.
Si le changement économique est nécessaire et est sur la bonne voie, la traduction de cette volonté d'ordre apparaît comme confuse, parce qu'elle essaie de mélanger les dérives libertaires (Sarkozy et son goût pour la jouissance et l'argent) ou réactionnaires (Erdogan et ses tentatives pour remettre en question la laïcité) et le désir (au fond légitime) qu'ont les citoyens de revenir à une forme de "tradition" et de "bon ordre".
Cette gestion n'est pas avisée. Parce que justement, elle remet en cause l'aspect qu'ont voulu donner ces deux partis : ceux de partis du "juste milieu", de partis avec un fond idéologique mais toutefois pragmatiques.
Cette crise du réformisme de droite alors même que la droite incarne la seule perspective de réforme, est dramatique parce qu'aucune alternative sérieuse n'est possible. Un échec remettrait en cause, de surcroît, la confiance en la droite pour régler les problèmes du pays.
L'AKP (que je n'aime pas et pour qui je n'ai jamais voté) et l'UMP représentent une sorte de dernière chance pour faire évoluer de façon claire et calme, les systèmes économiques, politiques et sociaux turcs et français. L'impression qu'ils donnent ces derniers temps, est celle d'une confusion entre compromis et compromission, entre fermeté et arrogance.
Le sens du réformisme est justement que l'Etat ne devienne pas le jouet de pulsions tant idéologiques que personnelles.
Le sens de la réforme est de mettre au service de la Nation, des recettes qui marchent.
Le réformisme de droite doit être cette nécessaire conciliation entre l'intérêt général (la Nation) et l'intérêt individuel (les Droits de l'Homme), cette synthèse (et non cette bouillie) entre idéologie et pragmatisme.
Autant dire que si rien n'est perdu, rien n'est gagné mais il reste aux partis de droite à assumer le masque réformiste qu'ils ont enfilé.
J'avais commencé cet article par une référence littéraire. Je le termine en faisant de même : le réformisme de droite quel qu'il soit, est une "porte étroite" pour citer André Gide.
Tout comme la sainteté (le thème du roman de Gide) ? A voir ...
lundi 5 mai 2008
Pas de retraite possible
Le débat qui agite la sphère politicienne et syndicale est en ce moment, celui des retraites.
Beaucoup plus que l’assurance-maladie (dont la baisse du déficit encourageante mais non déterminante due aux premiers effets de la réforme de 2004 est demeurée inaperçue ou presque), le système de retraite incarne l’état-providence « à la française ».
Philosophiquement, parce qu’il représente un mécanisme de solidarité (intergénérationnel dans ce cas).
Financièrement, parce que le système est menacé d’implosion.
La réforme proposée relève du bon sens : il sera nécessaire de travailler plus, ne serait-ce que pour sauvegarder à court terme, l’existence même de pensions tout comme il est nécessaire d’encourager le travail des « seniors » dont la faible activité a fait l’objet jusque là d’un consensus entre les organisations patronales et syndicales ainsi que de l’état, le tout (il faut bien le dire) sur le dos du contribuable.
L’assurance-vieillesse fait partie de ces mythes qui ont fondé la Sécurité sociale française.
Et comme tous les mythes, elle a été l’instrument du populisme le plus certain. Et comme dans beaucoup de cas, ce qui satisfait, n’est pas forcément ce qui est nécessaire.
Ainsi de la Retraite à 60 ans mise en place par les Socialistes dans les années 1980 alors même que l’on connaissait plus ou moins les difficultés qui allaient s’accumuler dans les décennies à venir en matière de financement du régime général. A l’hystérie socialiste (la formule du « demain, on rase gratis » … sur le dos des « riches ») la droite répondait par quelques timides pas en avant (nécessaires mais non suffisants) : l’augmentation de la durée de cotisation ayant été la piste privilégiée.
L’évolution de l’assurance-vieillesse est aussi une parfaite illustration de l’évolution de la France au cours de ces 25 dernières années : à l’encontre du bon sens et des politiques de ses voisins. Pendant que la Grande-Bretagne dérégulait (certes de façon brutale), la France nationalisait, tandis que les pays scandinaves ou le Canada résorbaient leur dette nationale et diminuait leur dépense publique, la France les voyait croître à vu d’œil, pendant que l’Allemagne renonçait aux 35h, la France les instituait.
Même en matière de gestion du problème des retraites, il y a urgence : la GrandeBretagne et l’Allemagne ont décidé d’augmenter l’âge de départ à la retraite et les pays scandinaves et les Pays-Bas ont favorisé l’emploi des travailleurs âgés (les « seniors »).
La réforme planifiée sera certainement insuffisante. Ne serait-ce que parce que faire varier la durée de cotisation n’est pas suffisant et que c’est bien le problème de la « Retraite à 60 ans » qui aujourd’hui se pose, même si celle-ci du fait même de la nécessité d’accomplir au moins 40 ans d’annuités (et 41 ans à partir de 2012) reste assez hypothétique.
Faire augmenter l’âge de départ à la retraite apparaîtra à terme comme symbolique même si politiquement risqué. Symbolique car une telle augmentation ferait plus facilement prendre conscience aux Français qu’il faut travailler plus longtemps dans leur intérêt même et celui de leurs enfants. Politiquement risqué car la « Retraite à 60 » ans apparaît à beaucoup de Français comme un « droit acquis » (comprendre « il ne faut pas y toucher »).
Le Conseil d’Orientation des Retraites commence d’ailleurs à s’y pencher et à souligner l’effet bénéfique d’une telle réforme sur les finances de la branche « Assurance-vieillesse » de la Sécurité sociale.
Il s’agit par ailleurs, du premier test « grandeur nature » du gouvernement.
La demi-réforme des régimes spéciaux avait été une formalité car soutenue par les Français. La CGT ne s’y était pas trompée, se contentant d’une grève d’un jour, un « baroud d’honneur » pourrait-on dire.
Ici, hormis la CFDT qui reste confuse dans ses revendications, tous les syndicats s’affichent comme opposés à la réforme même si ils demeurent divisés sur leurs propositions.
Le gouvernement a bien compris sa chance : maniant le bâton (passage à 41 ans d’annuités dès 2012 non négociable) et la carotte (pistes en faveur de l’emploi des seniors), il cherche à désarmer le front syndical qui tente (avec peine) de se former et qui, déjà, annonce une journée d’action le 22 mai prochain.
Le gouvernement a aussi compris que ce test d’avère déterminant pour la suite de sa politique vis-à-vis non seulement de l’Opposition tant syndicale que parlementaire, que des Français (et notamment de ses électeurs).
S’il recule sur ce thème, il ne sera plus crédible pour mener d’autres réformes. C’est au-delà du problème des retraites, tout l’enjeu de la manœuvre.
En clair, et Nicolas Sarkozy l’a bien laissé entendre lors de son interview télévisée : sur le thème de l’assurance vieillesse, il n’y a pas de retraite possible.
Beaucoup plus que l’assurance-maladie (dont la baisse du déficit encourageante mais non déterminante due aux premiers effets de la réforme de 2004 est demeurée inaperçue ou presque), le système de retraite incarne l’état-providence « à la française ».
Philosophiquement, parce qu’il représente un mécanisme de solidarité (intergénérationnel dans ce cas).
Financièrement, parce que le système est menacé d’implosion.
La réforme proposée relève du bon sens : il sera nécessaire de travailler plus, ne serait-ce que pour sauvegarder à court terme, l’existence même de pensions tout comme il est nécessaire d’encourager le travail des « seniors » dont la faible activité a fait l’objet jusque là d’un consensus entre les organisations patronales et syndicales ainsi que de l’état, le tout (il faut bien le dire) sur le dos du contribuable.
L’assurance-vieillesse fait partie de ces mythes qui ont fondé la Sécurité sociale française.
Et comme tous les mythes, elle a été l’instrument du populisme le plus certain. Et comme dans beaucoup de cas, ce qui satisfait, n’est pas forcément ce qui est nécessaire.
Ainsi de la Retraite à 60 ans mise en place par les Socialistes dans les années 1980 alors même que l’on connaissait plus ou moins les difficultés qui allaient s’accumuler dans les décennies à venir en matière de financement du régime général. A l’hystérie socialiste (la formule du « demain, on rase gratis » … sur le dos des « riches ») la droite répondait par quelques timides pas en avant (nécessaires mais non suffisants) : l’augmentation de la durée de cotisation ayant été la piste privilégiée.
L’évolution de l’assurance-vieillesse est aussi une parfaite illustration de l’évolution de la France au cours de ces 25 dernières années : à l’encontre du bon sens et des politiques de ses voisins. Pendant que la Grande-Bretagne dérégulait (certes de façon brutale), la France nationalisait, tandis que les pays scandinaves ou le Canada résorbaient leur dette nationale et diminuait leur dépense publique, la France les voyait croître à vu d’œil, pendant que l’Allemagne renonçait aux 35h, la France les instituait.
Même en matière de gestion du problème des retraites, il y a urgence : la GrandeBretagne et l’Allemagne ont décidé d’augmenter l’âge de départ à la retraite et les pays scandinaves et les Pays-Bas ont favorisé l’emploi des travailleurs âgés (les « seniors »).
La réforme planifiée sera certainement insuffisante. Ne serait-ce que parce que faire varier la durée de cotisation n’est pas suffisant et que c’est bien le problème de la « Retraite à 60 ans » qui aujourd’hui se pose, même si celle-ci du fait même de la nécessité d’accomplir au moins 40 ans d’annuités (et 41 ans à partir de 2012) reste assez hypothétique.
Faire augmenter l’âge de départ à la retraite apparaîtra à terme comme symbolique même si politiquement risqué. Symbolique car une telle augmentation ferait plus facilement prendre conscience aux Français qu’il faut travailler plus longtemps dans leur intérêt même et celui de leurs enfants. Politiquement risqué car la « Retraite à 60 » ans apparaît à beaucoup de Français comme un « droit acquis » (comprendre « il ne faut pas y toucher »).
Le Conseil d’Orientation des Retraites commence d’ailleurs à s’y pencher et à souligner l’effet bénéfique d’une telle réforme sur les finances de la branche « Assurance-vieillesse » de la Sécurité sociale.
Il s’agit par ailleurs, du premier test « grandeur nature » du gouvernement.
La demi-réforme des régimes spéciaux avait été une formalité car soutenue par les Français. La CGT ne s’y était pas trompée, se contentant d’une grève d’un jour, un « baroud d’honneur » pourrait-on dire.
Ici, hormis la CFDT qui reste confuse dans ses revendications, tous les syndicats s’affichent comme opposés à la réforme même si ils demeurent divisés sur leurs propositions.
Le gouvernement a bien compris sa chance : maniant le bâton (passage à 41 ans d’annuités dès 2012 non négociable) et la carotte (pistes en faveur de l’emploi des seniors), il cherche à désarmer le front syndical qui tente (avec peine) de se former et qui, déjà, annonce une journée d’action le 22 mai prochain.
Le gouvernement a aussi compris que ce test d’avère déterminant pour la suite de sa politique vis-à-vis non seulement de l’Opposition tant syndicale que parlementaire, que des Français (et notamment de ses électeurs).
S’il recule sur ce thème, il ne sera plus crédible pour mener d’autres réformes. C’est au-delà du problème des retraites, tout l’enjeu de la manœuvre.
En clair, et Nicolas Sarkozy l’a bien laissé entendre lors de son interview télévisée : sur le thème de l’assurance vieillesse, il n’y a pas de retraite possible.
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