jeudi 24 avril 2008

Jouer son peuple contre leurs élites...

L'AKP a su faire fructifier ses 34,29% du 3 novembre 2002, pour atteindre le score de 41,67% aux élections locales de 2004 puis les 46,6% au cours des élections générales du 22 juillet 2007. Dans un récent sondage, l'AKP est crédité de 53,3%. Bref, une réelle popularité. Attention à ce que cet atout ne devienne pas un un chèque en blanc


En Turquie, les évènements cependant, s'accélèrent.
Le tribunal constitutionnel a ouvert une procédure d'interdiction contre l'AKP pour "menées anti-laïques". Cette "offensive judiciaire" a toutes les chances d'aboutir à la dissolution du parti de Recep T. Erdogan.
Les interprétations de cet épisode sont multiples : désir de la part de l'establishment d'en finir avec un parti au final, bien trop populaire, résultat d'une lutte de pouvoir engagé par une "élite kémaliste" qui craint pour ses privilèges et son statut, ...
Toujours est-il que les tentatives de l'AKP pour changer la constitution se sont heurtés à des obstacles difficilement surmontables aux yeux des dirigeants du parti.

Face à cette crise politique, l'AKP pourrait dissoudre à nouveau le Parlement pour convoquer (une nouvelle fois) les électeurs en juin prochain.
L'AKP emploie une méthode rodée dans les démocraties occidentales et que d'aucuns qualifieront de "bonapartiste" : utiliser le peuple comme arbitre de la crise politique.
Rien de nouveau sous le soleil. La technique de l'élection-plébiscite est un instrument classique du politique.

Là où cette situation témoigne d'une crise profonde, c'est que la méthode est désormais usitée chaque année puisque chaque année, le pouvoir AKP se voit contesté voire même, comme aujourd'hui, remis en cause, par le fameux "establishment" (soit l'armée, soit les juges).
Seulement les circonstances ont changé : en juillet 2007, il s'agissait de faire une démonstration de force pour "imposer" Gül, bref établir un rapport de force. En 2008, il s'agira d'imposer un rapport de force à usage politique, mais aussi et surtout "comptable" c'est-à-dire avoir assez de députés pour pouvoir changer les règles du jeu en plein match, c'est-à-dire la Constitution.
Une autre solution serait d'organiser un référendum constitutionnel.

Dans les deux cas, l'AKP investit son capital de popularité dans des opérations plébiscitaires et finalement, publicitaires (puisqu'il défendra son bilan).
La dissolution si elle a ses avantages, pourrait toutefois, se retourner contre l'AKP et sa crédibilité. L'AKP n'a eu de cesse depuis juillet 2007 de combattre la "polarisation" que cultiverait ses adversaires néo-kémalistes. Or, dans une situation comme celle de la Turquie, marquée par la permanence de troubles politiques, le recours fréquent à la dissolution fragilise l'existence d'un consensus autour du régime. Si l'AKP n'est pas l'unique responsable de la "polarisation" du pays, elle l'a pourtant favorisée (libéralisation du voile islamique à l'université, tentative pour pénaliser l'adultère, ...).
L'AKP a commis des erreurs de "communication", pourrait-on dire avec euphémisme : les déclarations d'Erdogan sur le fameux "troisième enfant" associée à la mention de Dieu, la libéralisation du voile à l'université, etc n'ont rien fait pour apaiser une vie politique assez troublée...
En bref, l'AKP, depuis quelques mois, donne cette impression de ne pas "calmer le jeu" et quand survient une opposition (prévisible au vu de certaines mesures), crie au déni de démocratie.

Deuxième problème : l'AKP donne l'impression d'agir dans la confusion à l'heure où le bilan de cette législature demeure assez maigres et hormis la nécessaire réforme de la Sécurité Sociale, marquée uniquement par des mesures idéologiques, par nature peu consensuelles...

Le face à face entre l'establishment néo-kémaliste et le gouvernement islamiste débuté il y a près d'un an avec l'affaire du "e-memorandum" de l'armée se poursuit. Avec à chaque fois, une graduation dans la menace.
Face à l'adversité cependant, Erdogan a décidé de conserver une méthode, ô combien classique mais au fond risquée dans un pays déjà suffisamment divisé : jouer le peuple contre les élites.
Ou plutôt, jouer son peuple contre leurs élites...

mardi 22 avril 2008

Un an de Sarkozy : quel bilan économique ?

Un an après la victoire de Nicolas Sarkozy, le bilan de la première année de mandat de ce dernier, est mitigé. Les succès obtenus sur le plan socio-économique ne peuvent faire oublier certaines erreurs stratégiques majeures.

Nicolas Sarkozy est un homme à plusieurs facettes. On l'avait déjà remarqué, on le constate encore. Et comme tout individu de cette espèce, il déchaîne les passions les plus diverses.
Si Pierre Moscovici, "secrétariable" socialiste, affirme que "Nicolas Sarkozy avait de l'or entre les mains et qu'il en a fait du plomb", Yves de Kedrel, chroniqueur au Figaro et accessoirement, rédacteur du Journal des Finances, salue dans un très bon article à la fois clair et dense "L'An I de la silencieuse Révolution sociale" dans l'édition du Figaro d'aujourd'hui.

J'aurais tendance à partager l'avis de Yves de Kedrel pour ce qui est des réformes économiques.
Si à mes yeux, le paquet fiscal voté en juillet dernier contenait certaines dispositions intéressantes comme par exemple, l'exonération des heures supplémentaires (en effet, pourquoi taxer le revenu du travail supplémentaire réalisé par celui qui est déjà mis à contribution par son patron ?) ou le bouclier fiscal (à mes yeux, une mesure certes symbolique, mais nécessaire de par sa dimension symbolique), j'ai encore du mal à comprendre l'urgence autant politique qu'économique, qu'il y avait à abolir de facto les droits de succession...

Pourtant, bien qu'agité par une opposition en mal d'idées (elle eût aussi utilisé les 15 mrds pour les engloutir dans des choix essentiellement politiques et peu profitables économiquement, tels que l'augmentation de la prime de rentrée scolaire même si les socialistes ont eu beau jeau d'ajouter qu'ils eûrent consacré une partie de cette vraie fausse "cagnotte" au désendettement de la France), le paquet fiscal (alias "cadeau-fait-aux-riches") ne saurait à mes yeux, résumer toute la politique économique du gouvernement au cours de l'"année" passée.

Nicolas Sarkozy a eu l'intelligence politique, sans doute à l'instigation de son conseiller Raymond Soubie, de jouer le jeu de la négociation sociale. Et pas pour la forme uniquement. Pas uniquement parce qu'il y était contraint par une loi en date du janvier 2007.
Ce choix s'est révélé payant politiquement. Les syndicats et le patronnat ont été responsabilisés. Déjà affaiblis par divers évènements (UIMM, faible taux de syndiqués), la négociation les a contraints à agir en cessant de se retrancher derrière le gouvernement. De plus, l'opposition parlementaire se trouve désarmée : comment désavouer le produit de la négociation sociale ?
La manoeuvre s'est révélée être aussi un succès "technique". Les compromis, loin d'être complètement bancaux, ont offert une cohérence et des garanties à tous.
Si parler de "flexisecurité" est sans doute, un peu pompeux, il semble que l'accord obtenu sur le marché du travail offre assez de garanties à l'employé tout en répondant à certaines exigences du patronnat.
Quoiqu'il en soit, le projet de loi est déjà sur les tablettes du Parlement et entrera vraisemblablement en vigueur à la fin du Printemps 2008. En souhaitant que le mariage entre sens politique et succès technique aboutisse à l'efficacité économique.

Par ailleurs, le projet de loi sur la modernisation de l'économie, semble dans ses grandes lignes, répondre aux exigences de simplification des procédures. Au menu, moins de bureaucratie (un statut simplifié de l'entrepreneur individuel, l'instauration d'un taux forfaitaire correspondant aux cotisations et aux impôts payés par l'entrepreneur, diminution des effets de seuil), une simplification des règles juridiques notamment pour les SARL et une diminution des délais de paiement pour les PME. Le reste portant sur la concurrence dans la grande distribution.

Reste à savoir si dans un contexte économique morose (risque de récession aux Etats-Unis, ralentissement de la croissance économique mondiale), la France sortira la tête de l'eau aussi rapidement que prévu. Les premières estimations, si elles font état d'une prévisible baisse de la croissance en 2008, ne semblent pas remettre en cause, certaines évolutions positives telles que la baisse du chômage ou la création d'entreprises (même si celle-ci accuse une légère baisse si on la compare aux chiffres mensuels de l'année précédente).

Au fond, les problèmes économiques que connaît la France (inflation, baisse du pouvoir d'achat des ménages, ralentissement de la croissance) ne sont pas tant les résultats de la politique gouvernementale que les fruits de la conjoncture mondiale, marquée actuellement par l'augmentation des matières premières et la récession américaine.

Cependant, si la politique économique peut être saluée, il n'en va pas autant de la politique budgétaire. Un déficit qui s'aggrave, à l'heure où nos voisins soit par rigueur budgétaire (Allemagne), soit par une gestion économique avisée (Espagne) ont su maîtriser les leurs.
Malgré les appels du Nouveau Centre, le gouvernement Fillon ne semble pas décidé à activer le pas et ce, en dépit de la RGPP dont les résultats en terme d'impact budgétaire, sont pour le moment, assez minces (entre 5 et 7 mrds d'euros jusqu'en 2011) alors que de l'aveu même d'Eric Woerth, Ministre des Comptes, il faudrait économiser au moins 10 milliards d'euros par an pour "espérer" être en équilibre budgétaire en 2012.
A cela, il faut ajouter la rationalisation de certaines dépenses : si l'épisode de la carte judiciaire ne fut guère glorieux, celui de la carte hospitalière a été salué par les professionnels de santé. Et devrait permettre certaines économies, à priori, sans dégrader les conditions d'accueil des patients.

Quelles perspectives ? _ Le gouvernement préparerait un "big bang de la protection sociale". Expression un peu fourre-tout, certes. Cependant, si l'on sait que le budget de la Sécurité sociale dépasse celui de l'Etat, on ne peut que saluer une telle initiative économiquement nécessaire mais politiquement à risque. Bref, le funambulisme est de retour.
_ La RGPP n'est pas bouclée. Espérons que le gouvernement cessera de s'attaquer aux budgets des familles (voir l'épisode concernant la carte familles nombreuses ou encore la double majoration des allocations familiales) ou à celui de l'armée (suppressions de postes au moment où les tensions internationales s'éxacerbent). Pourtant, il est remarquable que la question du déficit ne soit plus abordée sous l'angle des recettes mais sous celui des dépenses. En clair, il est devenu évident que le problème du déficit français, est un problème de dépenses publiques. Cette prise de conscience est salutaire.

Tout cela m'incite à croire que la politique économique du tandem Sarkozy-Fillon, même si elle souffre de certaines carences (par exemple, les cafouillages sur la RGPP ou le laxisme budgétaire), va plutôt dans le bon sens.
Reste à confirmer en 2008-2009.

Pourquoi un blog ?

Pourquoi un blog ?

Je pense que certains me "suivent" (non, je ne suis pas parano) depuis longtemps et bien sûr, savent que j'ai un avis sur tout.
Bref, j'ai décidé moi aussi, de m'exprimer sur un blog. Non pas pour raconter ma vie. Ou plutôt, si, mais alors, détailler ma vie intellectuelle. Ce que je pense, ce que je crois. Ce que je veux, ce que j'espère. Et ce, à propos de plusieurs thèmes (l'économie, la société, etc) et de plusieurs pays (France, Turquie, Allemagne principalement).
Vous l'aurez compris, je ne suis pas doué pour les présentations. Place à l(a réd)action.


Amitiés,

Fatih